L'Amdo, aux confins de la Chine et du Tibet
Carnets de voyages - Asie Pacifique - Tibet - 10.09.2018
Après une première partie de voyage de repérage dans le Kham, région méconnue du Tibet, découvrez une autre région peu fréquentée du Tibet : l'Amdo
Je suis maintenant au nord du Kham, près à basculer dans l’autre région tibétaine de mon voyage : l’Amdo. De sincères remerciements à Tashi et Nunchok viennent clore ma première partie de voyage au Tibet, je rencontre Jimpa mon nouveau guide francophone... et quel français, chapeau bas !
Une première chose me frappe. Comparé au Kham, il y a une différence notable : les collines ont remplacé les montagnes, il n’y a plus de cols à passer et les paysages sont nettements plus verdoyants. Contre toute attente, l’état des routes dans cette partie du Tibet est impeccable malgré quelques tronçons encore en construction. De nombreux tunnels percent les collines et nous permettent une avancée rapide. Cette modernité ambiante n’empêche pas les troupeaux de yaks et de moutons d’occuper les larges vallées (et la piste) qui nous entourent.
Notre but du jour est de rencontrer une famille d’éleveurs nomades. Nous quittons donc la route principale et prenons la direction de leur camp à pied. Après avoir coupé « droit dans la prairie » jusqu’au sommet d’une colline verdoyante, nous apercevons une multitude de tâches mobiles noires et blanches. Les troupeaux ne sont plus très loin et on distingue nettement les grandes tentes du campement. La marche est aisée et plus j’avance plus je me sens léger. Je me perds un instant dans mes pensées, seuls les vallons herbeux au loin arrêtent mon regard. Je déconnecte petit à petit et prend conscience que je suis au bout du monde. L’agitation de Chengdu ou des monastères semble lointaine. De temps en temps des pikas curieux nous dévisagent avant de plonger dans leurs terriers une fois qu'ils nous jugent trop proches.
Moins de 20 minutes plus tard nous rejoignons nos hôtes que nous nous empressons de saluer. Il s’agit d’une jeune famille et pour l’instant seule la mère et ses 2 enfants sont « à la maison ». Elle nous explique que son époux aura un peu de retard à cause d’une panne de véhicule… Ce jeune couple, déçu par la vie citadine, est revenu ici pour se consacrer à l’élevage comme l’ont fait avant eux leurs parents respectifs.Le mari arrive et nous poursuivons, autour du poêle, notre discussion sur leur choix de vie, ainsi que de leur place dans la vie moderne, sous le regard mi-amusé mi-curieux des enfants présents. Ils sont encore trop petits mais j'aimerais bien savoir ce qu'ils en pensent, eux. Seront-ils de futurs éleveurs nomades ? Après le dîner, j’observe le retour des yaks et vais m’endormir paisiblement sous ma tente.
L’agitation matinale me tire du lit, c’est l’heure de la traite. J’ai également droit à un cours de fabrication de beurre (moi qui suis breton !) avant de quitter mes hôtes en direction de Linxia au nord. Aujourd’hui sera un jour de changements. De géographie tout d’abord, nous quittons les hauts plateaux pour de larges vallées. De religion ensuite, nous passons en terre musulmane et les minarets remplacent à présent les monastères. Cela indique que les routes de la Soie, principal véhicule de cette religion, ne sont pas loin !
De Linxia nous nous dirigeons vers un lac artificiel formé par le barrage de Luijiaxia afin d’embarquer sur un bateau rapide. Une petite demi-heure de navigation sur le Fleuve Jaune nous sépare des grottes de Jampa Kumbum. Arrivés à l’entrée de bonne heure, nous évitons la vague de chinois qui déferle souvent en début d’après-midi. Une évolution des mœurs touristiques en Asie à considérer dorénavant, mais revenons à nos grottes. Le complexe de Jampa Kumbum a été détruit en grande partie pendant la Révolution Culturelle Chinoise. Heureusement pour nous, il a été partiellement réaménagé depuis. Une boucle nous permet de découvrir de nombreuses cavités abritant des statues et peintures bouddhistes. Les plus anciennes dateraient de 400 après JC et les plus récentes du 16ème siècle. Certaines restent d'ailleurs remarquablement conservées. Mais l’attraction majeure de ce lieu est une statue de Jetsun Jampa Gonpo, une représentation du Bouddha sculptée à même la falaise et mesurant 25 mètre de haut.
Cerise sur le gâteau, Jimpa me conduit sur un chemin de traverse vers un petit monastère caché entre les falaises d’un canyon. Nous y rencontrons un moine qui se fait volontiers guide. Encore une visite originale avec la marche qui, à elle seule, vaudrait le détour.
Je poursuis mon voyage vers les sites les plus emblématiques de l’Amdo. Parmi eux, le complexe monastique de Labrang qui accueille aujourd'hui encore plus de 500 moines en formation. Les monastères et les temples, sa bibliothèque aux ouvrages abondants, son centre d'études et les habitations de tout ce beau monde occupent plus de la moitié de la ville. Fondé au tout début du 18ème siècle, c’est encore aujourd’hui le plus gros centre religieux du Tibet oriental. Il est souvent connu par les français s'intéressant au Tibet et au bouddhisme grâce aux recits d’Alexandra David Néel qui y séjourna dans les années 20.
Sur la route de Repgong (prononcer Repkon ou Tongren en chinois), nous effectuons une halte dans un musée regroupant de nombreuses thangkas, ces peintures bouddhistes extrêmement colorées. Cette région est particulièrement réputée pour ses écoles de peintures que l’on retrouve dans quasiment tous les monastères de la région. Cet art pictural tibétain est inscrit depuis 2009 au patrimoine mondial par l’UNESCO. Un second arrêt nous conduit dans un monastère bön, cette religion présente au Tibet bien avant le bouddhisme. Il est ainsi intéressant de découvrir les différences mais surtout les importantes similitudes entre ces deux courants religieux.
Je complète mes visites du jour par ceux de différents hébergements et, Jimpa, comme moi, ne sommes pas mécontents d'arriver à Chujigonma. Une chose réjouit particulièrement mon guide : cette ville est sa ville natale ! Hasard du calendrier, une fête y est justement célébrée. Une bonne occasion de manger du yak bouilli... arrosé de Pepsi. Évolution gastronomique locale ! Mais rires et curiosité sont aussi au menu du soir et c'est le plus important.
Mon dernier jour dans l'Amdo est marqué par la visite du site d'Achung Namdzong, un des 3 sites les plus sacrés de l’Amdo (avec Repgong et Labrang). Nous aurions normalement dû emprunter une barge et traverser le lac mais les embarcadères, en travaux, n’étaient pas opérationnels. Nous passons donc par la route en lacets à travers les collines. Après deux heures de route, nous visitons la nonnerie et prenons même notre déjeuner avec une nonne. Atmosphère zen et dépouillé, soupe de nouilles dans un bouillon léger, salutaire après le festin de la veille.
Nous en profitons ensuite pour prendre un peu de hauteur en suivant un chemin qui conduit à un ermitage au sommet d’une colline adjacente. La vue est magnifique sur la nonnerie, le monastère et les sommets alentours. La fin de mon périple dans les régions tibétaines du Kham et de l'Amdo approche et c’est déjà le moment de dire « au revoir » à Jimpa, que certains auront plaisir à retrouver lors de leur prochain voyage.
La ville de Xining marque mon retour à la civilisation urbaine et la fin de mon voyage de reconnaissance.
En conclusion, les régions du Kham et de l’Amdo, représentent la découverte d’un Tibet original et peu fréquenté. Contrairement au Tibet central, son héritage culturel est préservé et ses formalités d’entrée sont simplifiées. Côtés paysages, les différences sont nettes entre les deux régions, chacune possédant ses particularités. Elles ont toutefois en commun la beauté de leurs monastères et l’accueil toujours exceptionnel que réservent leurs habitants.
À vos calendriers et Tashi Delek !
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