Haute Route de Vilcanota et fête de Qollu Rit'y
Carnets de voyages - Amériques - Pérou - 31.01.2014
Depuis mes premiers pas en Amérique Latine, j'entends parler d'une fête qui se déroule en pleine montagne, à 4500 m d'altitude, et rassemble pour la pleine lune du mois de mai ou de juin des dizaines de milliers d'indiens. Tous ceux ayant eu la chance d'y participer ont été impressionnés par la ferveur, la foule, l'ambiance, les costumes et la musique de cet évènement hors du commun. Alors cette année, je décide d'assister moi-aussi à cette fête. Qollurity ou l'étoile des neiges en quechua. Un nom énigmatique pour une fête qui reste bien mystérieuse. Avec les pèlerins dans la quebrada CinejaraDes ponchos éclatant de couleurs !L'origine de cette fête se perd dans la nuit des temps. Comme toujours en Amérique Latine, traditions andines et rites catholiques s'entremêlent. Les indiens viennent ici honorer les "Apus", les montagnes tutélaires, détentrices du "kamaq", la force vitale et considérées comme des divinités. A l'époque de la conquête, l'église a mâtiné de catholicisme cette fête indienne grâce à un miracle, l'apparition de la figure du Christ sur un rocher. Plus tard, une église a été construite autour de cette roche sacrée et aujourd'hui le gigantesque camp temporaire dressé à l'occasion de la fête prend place autour d'elle. Ce rassemblement est l'un des secrets les mieux gardé des Andes. Très peu d'étrangers s'y rendent et connaître ses dates, calquées sur le calendrier lunaire, est déjà une première victoire. Le voyage commence à Cusco, le " nombril du monde " pour les Quechuas. Par une bonne route, nous rejoignons le hameau de Mahuallani, en plein coeur de la Cordillère de Vilcanota. Pendant quelques jours, ce minuscule village, point de départ du pèlerinage, abandonne sa torpeur habituelle pour devenir le centre du monde indien. L'effervescence est à son comble lorsque nous arrivons. Un marché ambulant est installé dans les ruelles du village, vendant tout le bric à brac nécessaire aux pèlerins. Chaque vendeur crie plus fort que son voisin pour attirer le chaland et se débarrasser au plus vite de ses marchandises. Un va et vient continuel de pèlerins arpente les allées à la recherche de l'indispensable pour passer quelques jours dans le froid glacial de la cordillère. Au départ du village de MahuallaniNous nous frayons un chemin dans la foule et retrouvons non sans mal notre muletier. Une fois nos animaux de bât chargés, il est l'heure de prendre place dans la longue file des pèlerins qui s'en va dans la montagne. Le chemin est agréable à suivre. Élargi récemment, il suit en balcon le bord sinueux de la quebrada Cinejara. Une foule ininterrompue, chargée de ballots ou d'enfants emmitouflés dans de chaudes couvertures, monte et descend du sanctuaire tandis que les caravanes de chevaux, acheminant tout le nécessaire à la vie d'une ville à la montagne, soulèvent une poussière qui prend à la gorge. De place en place, les stations d'un chemin de croix permettent de s'arrêter tandis que bars et gargotes abreuvent et restaurent la foule. En famille, avec des amis, avec son village, tout le monde rejoint le sanctuaireA pied ou à cheval vers la fêteAprès un départ raide dans le creux d'une étroite gorge, le chemin s'aplanit au débouché de la vallée. En se retournant, la vue est magnifique sur la Cordillère de Vilcanota et le sommet de l'Ausangate. Nous poursuivons notre marche vers le fond du vallon. Les alpages sont couverts d'alpagas qui mâchonnent l'herbe rase, indifférents à ce remue-ménage. Plein cadre sur la Cordillère de VilcanotaUne dernière montée en pente douce, à travers une enfilade de boutiques, annonce l'arrivée au sanctuaire. Avant le sacré, les inévitables marchands du temple ! On pourrait passer des heures à découvrir ces étals groupés par thème. Ici les diseurs de bonne aventure officient avec des singes, des perroquets ou du plomb fondu ! Là, les vendeurs d'"alasitas", coutume venue de la proche Bolivie où chacun achète en miniature ce qu'il souhaite obtenir dans l'année à venir. Tous les désirs sont en vente : voiture, bureau, maison, femme, diplôme... Leur voeu sera exaucé une fois les "alasitas" offerts en offrande dans la montagne. Plus loin viennent les vendeurs d'eau sacrée tirée des sources jaillissant des glaciers. Vu la foule et l'hygiène aléatoire, on ne se risquerait pas à boire une lampée de cette eau, aussi sainte soit-elle ! Bien sûr, le gros des étals est occupé par les bondieuseries que chacun se doit d'acheter pour accroitre les bénéfices du pèlerinage ou rapporter un souvenir. L'après-midi s'achève lorsque nous découvrons enfin le lieu de célébration de la fête de Qollu Rit'y. La vision est sidérante. Sous nos yeux, un gigantesque camp de tentes, bâches et plastiques bleus s'organise autour de l'église abritant la pierre sacrée censée représenter la figure du christ. L'incroyable campement de la fête de Qollu Rit'yZoom sur l'église au centre du vaste campement Le plus dur est de trouver un emplacement. Tous les espaces plats sont déjà occupés. Nous nous installons au sommet d'une crête. La vue est belle sur la plaine piquetée des milliers de tentes de pèlerins et le cirque de montagnes glaciaires ; par bouffée la musique jouée par les fanfares montent jusqu'à nous. La nuit est d'encre et le froid glacial lorsque nous rejoignons le tourbillon de la fête. La foule est costumée, rassemblée par communauté ou confrérie derrière leur porte bannière. Danses et chants se succèdent toute la nuit sur les chemins de ce bourg éphémère. Ailleurs, des files silencieuses progressent lentement vers l'église afin honorer l'image du Christ de Qollu Rit'y. L'ambiance est délirante et confine au magique. Il n'y a pas de lumières en dehors des milliers de lampions et cierges qui brillent dans la nuit. Malgré la foule, l'explosion des pétards, le mouvement des danseurs, la musique assourdissante, l'atmosphère reste sereine. Il faut dire que l'alcool comme toute forme d'emportements sont sévèrement réprimés à coup de fouets par les " ukukus ", les esprits de la montagne, gardes sévères au visage masqué de blanc. Au fil des heures, la ferveur monte en intensité. Des estaminets dégagent un peu de chaleur et permettent à chacun de se reposer tout en avalant un bol de soupe fumante. Cet indien vient de l'AmazonieLes processions dans un cirque majestueux de glaciersNous décidons de nous reposer quelques heures car la nuit prochaine, il faudra monter vers les glaciers.
En relation avec cet article
- ça serait dommage de passer à côté... -
- Tous nos circuits -
- À découvrir dans le mag' -
- Nos départs garantis -
- Le Pérou en vidéo -