- Voyage au Ladakh, Samsãra ladakhi -

La nuit a été excellente : pas froide et, grâce à la (relativement) basse altitude, 3100 m, nous avons très bien dormi. Un petit tour à pied pour se réveiller avant d'attaquer la route. À l'entrée du village, deux curieuses maisons en terre qui ressemblent vraiment à des ksours marocains... couleur, forme... Ensuite, balade dans les caillasses au-dessus de la rivière pour voir de jolis pétroglyphes qui ont entre 2000 et 7000 ans... des humains, des animaux, des chortens (tellement bien conservés que je me demande s'ils n'ont pas été un peu regrattés par les gens d'ici ...). Pour rejoindre le fameux monastère de Lamaruyu, le plus célèbre de la région, le guide nous donne le choix entre la grande route, rapide ; ou la nouvelle petite route, plus pittoresque... Nous choisissons cette deuxième solution, évidemment... Cette route ! Des lacets et épingles à cheveux sur huit cents mètres de dénivelé ! Bien évidemment, une route très étroite avec des zones de croisement au cas où... En montant cette route étroite qui côtoie des précipices impressionnants, j'essaie de ne pas penser à ce que j'ai remarqué hier sur les pneus de nos véhicules : des enveloppes rechapées dont la nouvelle semelle est en train de se décoller sur plus de dix centimètres en plusieurs endroits ... bof, si c'est pour aller voir un monastère, Bouddha ne peut pas nous faire une vacherie (ici, devrais-je dire yakerie ?) ; et, de toute façon, en montant, on va moins vite qu'en descendant... mais quand même... Du haut, on voit tous les virages depuis le bas... très impressionnant ! La vallée glaciaire que l'on surplombe est très belle et assez curieuse par la couleur de ses roches. Yung Drung Tharpa Ling, appelé aujourd'hui Lamayuru, est le plus ancien monastère tibétain du Ladakh ; sa partie la plus ancienne date du XI^e siècle. Il est situé à cent vingt-sept kilomètres à l'ouest de Leh, à une altitude de 3550 m. La légende raconte qu'à l'époque du Bouddha Shakyamuni, la région où se situe actuellement Lamaruyu se trouvait sous un grand lac abritant des Nagas [1]. À l'est du lac se dressait une petite colline aride, localement appelée Skambur. On dit que lorsque l'Arhat Madhyantika [2] se rendit au lac de Lamayuru et fit des offrandes d'eau au Nagas, il fit se fissurer le sol du lac et s'échapper l'eau. Le temple est très beau mais il y a beaucoup de visiteurs (tout est relatif) et je trouve qu'il n'a pas la sérénité des autres monastères isolés dans leur austère cadre de montagne. Il nous reste deux jolis cols à passer, le Photu-La, à 4120 m et le Namika-La, à 3780 m. Maintenant, nous entrons dans le district de Kargil. Un petit arrêt à Mulbekh pour admirer une statue de bouddha de sept mètres de haut taillé dans le granit au VIII^e siècle. Comment et avec quoi ont-ils fait ce boulot ? Mystère, car c'est du beau granit, bien dur ! Il fait gris, mais pas froid. Arrivée à 17h à Shergol, trois gouttes de pluie... Autre campement fixe, très bien, à 3180 m seulement. Nos chauffeurs nous quittent car ils n'ont pas le droit de travailler dans le Zanskar, toujours pour des raisons de protection de l'emploi local. Ils partent très vite car ils doivent rentrer à Leh avant la nuit. Il y a un monastère à visiter, à une vingtaine de kilomètres. Thustop, avec son portable, nous cherche des taxis. Aucun n'est disponible... Alors, nous déchargeons le pick-up des cuisiniers où nous montons tous les neuf, debout dans la benne, et Thustop se met au volant ; une chose qui amuse beaucoup les locaux et certains nous prennent en photo avec leur téléphone... chacun son tour ! Ce monastère est très impressionnant : il est accroché à une falaise, un peu comme celui de Chozoviotissa, à Amorgos. On le voit aussi au début du film Samsara. Y monter nous essouffle un peu ; mais, du haut, il y a une très belle vue. Il ne reste plus qu'à redescendre, rentrer en pick-up et s'installer dans nos tentes, très confortables, mais c'est relatif, ce n'est pas le Sheraton quand même. Repas vite expédié dans une grande tente-mess.

[1]  Les Nagas sont considérés comme des génies des eaux. Ce sont des habitants des mondes souterrains et ils gardent jalousement les trésors immenses et mystérieux.  Ce sont des êtres chimériques à corps de serpent, généralement représentés avec plusieurs têtes (cinq ou sept), des gueules de chien, des yeux exorbités...

[2] Un missionnaire bouddhiste qui introduisit le bouddhisme au Cachemire sous le règne d'Ashoka (arrivé au pouvoir en 273 avant JC).