- Voyage au Ladakh, Samsãra ladakhi -

Chronique d'un voyage hors du temps, entre cimes enneigées et monastères ; trois semaines pendant lesquelles nous avons serré la main d'un roi, dormi dans le village le plus haut du monde, et croisé la route du Dalaï-Lama ...

Le Ladakh est la région de l'Inde à l'altitude moyenne la plus élevée, une grande partie de son territoire dépasse les 3500 m. Il comprend une partie du Karakoram et de l'Himalaya ainsi que la vallée supérieure de l'Indus. Le territoire originel de l'ex-royaume du Ladakh est maintenant divisé entre l'Inde, le Pakistan et l'Aksai Chin, un district conquis par la Chine à la suite du conflit sino-indien de 1962 mais qui est quasiment désert. Le Ladakh (la-dwags en wylie) est l'une des régions les moins peuplées de l'Inde. Elle fait partie de l'État du Jammu et Cachemire, sixième État par sa superficie (222 000 km² soit 40% de la France) ; 12,5 millions d'habitants pour la totalité de l'état duJammu et Cachemire (sur 1,24 milliards pour le pays entier, donc 1% seulement de la population pour 7% de la superficie) ; mais, au Ladakh proprement dit, il y a seulement 150 000 habitants ... Parfois appelé le Petit Tibet, le Ladakh est célèbre pour ses paysages montagneux désertiques et sa culture bouddhiste tibétaine. Sa ville la plus importante est Leh. De par son emplacement sur la Route de la Soie, la ville de Leh a été très prospère du temps des caravanes, mais elle a subi les guerres d'influence et de contrôle que se livrèrent, sur le sol du Ladakh, les Chinois et les Tibétains au cours du VII^e siècle. Lors de l'effondrement de la monarchie tibétaine, au IX^e siècle, une partie de la cour s'installa dans la région, l'unifia et y apporta la culture tibétaine. La ville est dominée par la forteresse du pic de la Victoire (le Namgyal Tsemo) construite par Tashi Namgyal (1500-1532). Maintenant Leh vit surtout grâce au tourisme et à la présence de l'armée. Cette région est située au nord-ouest de l'Inde. Elle forme une excroissance s'enfonçant profondément entre Chine et Pakistan, deux voisins détestés ; surtout le Pakistan avec qui l'Inde entretient un état de quasi-guerre depuis la partition à l'indépendance (1947). Une partie du nord de l'Inde (précisément celle où nous allons) est d'ailleurs revendiquée par le Pakistan ; le Cachemire surtout qui est une zone à forte majorité musulmane. De nombreux attentats terroristes ont frappé l'Inde jusqu'à son coeur (Bombay par exemple, en 2008 où presque deux cents personnes ont été tuées lors de l'attentat au Taj Mahal, le célèbre et vénérable hôtel).

Que faire au Ladakh ? Voilà déjà un premier problème à se poser avant tout autre pour ne pas se tromper de voyage ! Beaucoup de tour-opérateurs proposent de longs treks à pied ... plusieurs jours en haute altitude, de bivouac en bivouac, à raison de six heures de marche par jour, avec des yaks ou des mules pour porter les sacs. Sans aucun doute sportif et superbe ; mais, en deux semaines, la portion de terrain visitée reste toute petite, alors que ce territoire est immense ; de plus le pays est très sec et rocailleux, la marche doit y être assez vite fastidieuse surtout que les villages ne sont pas très nombreux sur les parcours habituels de trek. Alors, après de longues hésitations et tergiversations, nous avons opté pour une visite très complète, mais majoritairement en voiture. Les marches (nous en avons fait quand même quelques unes) auront seulement été des visites et non des secteurs de liaison.

À choisir, l'été nous a donc semblé une saison éminemment plus confortable ! En effet, le climat y est terriblement excessif : chaud l'été, glacial l'hiver ... Le Zanskar est une région très dure en hiver ; les températures y descendent souvent à - 40°C et nous avons tous en tête les images de ces gens remontant à pied le Tchadar (nom que l'on donne à la rivière Zanskar gelée) qui est le seul moyen pour accéder à leurs villages, après dix jours d'une marche épuisante et très périlleuse dans des conditions de froid exceptionnelles... L'hiver paralyse totalement toutes les communications entre les villages, l'activité est alors inexistante ; on a relevé jusqu'à neuf mètres de neige dans certains endroits durant l'hiver 2004/2005... terrible quand le seul moyen de chauffage est la bouse de yak séchée. Seule la cuisine, pièce à vivre, est chauffée... dans les chambres, il gèle durement. Les habitants sont livrés à eux-mêmes, les écoles sont fermées, ils vivent un isolement total. La résistance physique de ces gens des hautes vallées est extraordinaire mais leur espérance de vie est inférieure à cinquante ans (certains sites annoncent quarante-deux ans, d'autres soixante-six ... où est la vérité ?). En ce qui concerne les précipitations, cette région est enserrée entre deux arcs montagneux énormes : l'Himalaya (au SW) et le Karakoram (au NE). Donc, les vents tiédasses et humides remontant du sud-ouest, en franchissant l'Himalaya et ses hautes altitudes, perdent la quasi-totalité de leur eau sur le versant au vent et ne sont plus porteurs d'humidité de l'autre côté (voir schéma en fin de texte)... Il en résulte une très grande sécheresse... Pour faire simple, si des nuages passent haut dans le ciel, ils ne donnent quasiment jamais de pluie. Seuls les glaciers de haute altitude apportent aux rivières l'eau nécessaire à la vie des vallées.