- Balade chez les Khmers -

Aujourd'hui nous avons décidé d'utiliser des VTT comme moyen de transport. Smey, qui a monté un petit business de location de vélos, nous procure trois montures "Giant" à 24 vitesses. Comme le terrain est quasiment plat dans l'ensemble de la plaine... nous n'allons pas utiliser les petits développements ! L'énorme avantage de ce moyen de déplacement réside dans la liberté de mouvement que l'on acquiert. Tous les petits chemins sont empruntables, et pour ne pas être au milieu de la foule, qui navigue en bus, c'est le moyen idéal. Le but de cette ultime journée sur le site d'Angkor est de faire la visite d'Angkor Thom, la grande ville de 9 km² fondée par Jayavarman VII qui régna de 1180 à 1215. C'est l'une des plus grandes cités historiques du Cambodge et elle restera comme capitale du royaume jusqu'au XVIIIème siècle.

Tranquillement sur nos destriers à pédale, nous entrons dans la citadelle par la porte Sud, une tour à quatre visages énigmatiques dirigés vers les quatre points cardinaux. Chaque direction a une vertu nous dit Smey : l'Est pour l'amour universel, le Sud pour l'égalité, l'Ouest pour la compassion et enfin le Nord pour la sympathie. La large avenue conduisant à cette tour est bordée, lors de son passage au dessus de la large douve,  d'un côté de 54 dieux et de l'autre de 54 démons. Ils tirent sur le naga Vasuki afin de baratter la mer de lait.   Je vous avais promis de vous raconter dans le détail ce mythe créateur hindou. En fait tout commence pendant la reconstitution de l'univers, lorsque les Dieux (deva) et les Démons (asura) sont affaiblis par le manque d'amrita, l'élixir d'immortalité. Alors que les deux groupes ennemis s'affrontent pour extraire ce nectar de la mer de lait (l'océan cosmique), Vishnou leur propose de s'unir provisoirement. Les Démons et les Dieux enroulent un énorme serpent (le naga Vasuki) autour du Mont Mandara. Les Démons se placent à la tête et les Dieu à la queue et ils tirent alternativement pour faire tourner le Mont et ainsi baratter la mer de lait. Le pauvre naga qui subit ce sort pendant mille saisons, manquera d'empoisonner la mer de lait par ses vomissements. Shiva sauvera la situation en intervenant et en buvant le vomi du naga, il en sera intoxiqué et prendra alors sa couleur bleue ! A force de barattage, le Mont Mandara, qui servait de pivot au système, s'effondre et Vishnou, pour sauver la situation, prend l'aspect de la tortue Kurma. La tortue plonge alors sous la montagne pour la stabiliser et devient le pivot de base.  Au fil du temps, le souffle du naga devient brûlant et asphyxie presque tous les Démons. Avant que ne soit produite cette liqueur, le barattage donnera dans l'ordre d'apparition les fleurs, la vache, le cheval (qui sera donné comme monture pour le dieu du vent, Vayu), l'éléphant Airavan (qui sera donné comme monture à Indra), Laksmi (la déesse de la beauté et de la fortune qui deviendra la femme de Vishnou), des millions d'Apsaras (danseuses célestes qui animent le paradis). Lorsqu'enfin l'amrita est produit, la première goutte est volée par Kala (voir son histoire relatée le 16 janvier sur ce blog). Finalement, après d'autres épopées, Vishnou prend enfin possession de cet élixir. La morale de ce mythe tient en quelques mots. La patience, la persévérance, l'union (même paradoxalement avec ses ennemis) apportent la victoire et la prospérité au peuple.   Juste après la porte, nous grimpons sur le chemin de ronde qui est au dessus du rempart, et nous rejoignons la porte Ouest. Une balade agréable, à l'ombre d'arbres centenaires. De cette porte nous piquons vers le centre du carré de la cité, pour nous arrêter devant le Bayon. Temple d'état de J VII, c'est une construction religieuse parmi les plus puissantes et les plus énigmatiques du monde. Une multitude de tours à visages (54 parait-il) encerclent la tour centrale, beaucoup plus haute que les autres, donnant à l'ensemble un aspect de montagne de pierres. D'abord panthéon bouddhiste avec une section pour Shiva et une autre pour Vishnou, ce temple a vu son rôle alterner entre les différents courants religieux, spécialement lors de la période iconoclaste, après la mort de J VII. Le temple est constitué d'un dédale de passages, malgré la simplicité apparente de son plan masse. L'un des intérêts majeurs du temple est dans la contemplation des bas-reliefs. Huit sections au long de la galerie extérieure racontent des batailles menées par J VII et des scènes de la vie courante. Il ne semble pas y avoir de logique dans la continuité de ses différents plans, mais ils sont tous superbes !   Après ce temple majeur, nos vélos nous porterons devant le Baphuon, la terrasse des éléphants, la terrasse du roi lépreux. Un bon déjeuner à l'ombre devant l'enceinte du palais royal et nous repartons dans les petits sentiers qui zèbrent l'intérieur de l'enceinte. Nous sortons d'Angkor Thom par la porte des Morts puis longeons la douve Est jusqu'à l'angle d'Angkor Vat. Les huit kilomètres de bitume qui restent jusqu'à l'hôtel seront vite avalés.   Dans l'après midi, visite de l'atelier de soie construit par une association locale très active : Artisans d'Angkor. Cette structure emploie plus de 1000 personnes pour produire des articles en soie d'exceptionnelle qualité, mais à des prix de vente européens ! Nous irons aussi à un autre atelier de cette association qui produit des sculptures, de la laque, des peintures sur soie. Idem, du beau travail mais à des prix pour Américains ! Dans la soirée, nous ferons un tour dans le centre ville qui vit autour de la rue de la Soif : Bar Street, une allée piétonne la nuit, bordée des deux côtés par des estaminets bruyants et remplis de fêtards imbibés ! Une autre vision de notre " brave monde ", les anciens rois d'Angkor doivent en avoir des maux de tête !