Horizon : Le Mag' de Tirawa

Le Mag' de Tirawa : Carnet de voyage - Balade chez les Khmers

Balade chez les Khmers

Balade chez les Khmers écrit par Christian JUNI :  Le Mag' de Tirawa

Carnet de voyage rédigé par Christian JUNI

Balade chez les Khmers

- Balade chez les Khmers -

Cambodge, Asie Pacifique

Le lac Tonlé Sap

Ce matin nous quittons les vieilles pierres pour nous rendre sur le lac Tonlé Sap puis sur la rivière Stoeng Sangkae.   Le minibus nous conduit un peu avant le village de Kampong Phluk. La piste n'est pas encore assez stabilisée pour que l'on puisse s'y rendre sans problème. Un premier bateau taxi nous conduit au centre de ce village étonnant. Perchées sur des bambous qui peuvent atteindre 9 mètres de haut, des cahutes en bois servent d'habitation. Nous sommes au-delà de la limite "archéologique" du lac, c'est-à-dire dans la zone où aucun bâtiment ancien n'a été construit ... ayant pour cause l'amplitude importante de la superficie du lac entre la période sèche (3 000 km²) et le point culminant de la période des pluies (12 000 km²). Le niveau de l'eau passe alors, au centre du lac, de 1,5 m à plus de 11 m ! La raison, nous l'avons déjà évoquée lors de notre séjour à Phnom Penh. Entre mai et octobre, et avec l'effet conjugué de la fonte des neiges au Tibet oriental (où le Mékong prend sa source) et des quantités d'eau de pluie récoltées par tous les bassins versants, le fleuve Mékong, en rencontrant la rivière Tonlé Sap fait remonter le courant de la capitale vers le lac, remplissant par ce fait la cuvette centrale, le fond du chaudron cambodgien. Phénomène unique, le résultat de cette crue, avec des eaux pleines de limon, donne une richesse incomparable aux sols inondés. Donc pour éviter de se faire détruire à chaque année, le village de Kampong Phluk a résolu ce problème en se perchant en hauteur. De nombreux villages autour du lac ou sur les affluents du lac qui subissent les mêmes crues ont optés pour ce mode de construction. D'autres ont carrément mis leurs maisons sur des bambous, les transformant ainsi en maisons flottantes. Les habitants de ce bord de lac vivent à la fois de la pêche (le Tonlé Sap est considéré comme le lac le plus poissonneux au monde) et de l'agriculture. Les rizières aux alentours donnent deux récoltes de riz. La première est faite lors de la montée des eaux (culture de crue) et l'autre lorsque le niveau descend (culture de décrue). Les paysans y ajoutent souvent une "culture dérobée", c'est-à-dire la pousse rapide de légumes à n'importe quel moment de l'année où le sol n'est pas sous l'eau ! Au milieu du village nous transbordons nos affaires sur un autre bateau (les communautés gèrent les droits de trafic à tour de rôle et en fonction de la destination !). A la sortie du hameau, juste avant de voguer sur les eaux du lac, nous traversons une magnifique forêt de Barrintonia Acutangula et de Diospyros, arbres autochtones qui sont capables de survivre dans 10 mètres d'eau une partie de l'année. Une fois arrivés au niveau du lac, on prend conscience de sa taille. On ne voit pas l'autre rive... Cap à l'Ouest, le capitaine vise l'endroit où la rivière Stoeng Sangkae doit déboucher. Au sud de cette confluence il y a une réserve naturelle où l'on recense 220 espèces d'oiseaux. Les eaux commencent à être envahies par de la jacinthe d'eau, véritable fléau local. Au village flottant de Preak Toal, nous irons d'ailleurs voir une association qui fait de la vannerie avec cette plante. Une heure de navigation plus loin, nous arrivons finalement au terme de notre étape du jour : Thvang. L'une des maisons flottantes sert de gîte d'étape, rustique mais authentique. La spécialité locale, en plus de la pêche bien sûr ... est l'élevage des crocodiles. Chaque maison flottante (sauf les plus pauvres) a au moins un enclos à demi immergé dans lequel baignent souvent une dizaine de sauriens. Ils sont nourris de poissons par les pêcheurs. Au milieu de la saison sèche, ils sont transférés sur la terre ferme, dans de solides enclos, afin que les femelles pondent leurs 60 oeufs annuels. Une fois la ponte effectuée, les crocodiles regagnent leurs enclos sur l'eau. Les oeufs sont récoltés, enterrés dans une terre spéciale et surveillés, spécialement lorsque les petits crocodiles naissent 30 jours plus tard. Sur 60 oeufs, en général la moitié sont fertiles et les autres mangés par les éleveurs ! Les petits sont dorlotés et nourris quelques jours, puis en général vendus à des grossistes qui les achètent (lors de la dernière saison) environ 35 dollars pièce. Ce que les grossistes en font ... personne ne pourra nous le dire ! Les crocodiles en âge de se reproduire doivent avoir 8 ans au minimum et ils peuvent vivre, disent les locaux, (mais à vérifier...) jusqu'à 80 ans ! Les adultes sont vendus de temps à autre, lorsque de nouvelles générations sont prêtes à faire des oeufs, pour un montant oscillant entre 500 et 800 dollars. Smey nous raconte qu'il y a quatre ans, le cours du crocodile a soudainement chuté, entrainant la quasi faillite de toutes ces familles qui investissent beaucoup dans ces charmantes créatures, car un saurien de 4 mètres de long ... ça mange énormément de poisson !   

 

Quelques mots sur les poissons. Il existe deux sortes de poissons dans ce lac :

  • les poissons noirs, espèces autochtones qui ne quittent jamais le lac : silures, perches, poissons à tête de serpent...
  • les poissons blancs, espèces migratoires qui viennent du Mékong où ils se reproduisent. A terme un problème guette, car avec la construction de barrages (au Laos sur le cours supérieur et au Vietnam dans le delta) la mobilité de ces animaux devient de plus en plus réduite. 

 

D'autres problèmes guettent d'ailleurs cette ressource naturelle que les autochtones ont tort de considérer comme inépuisable. La surexploitation de la pêche appliquée par les propriétaires des concessions vendues par l'état (une véritable industrie qui racle littéralement les fonds jusqu'à épuisement de tout être vivant), la pollution humaine et mécanique, le braconnage (pêche électrique et à la dynamite !), la croissance énorme de la population autour du lac avec une déforestation massive (entre autre par le fait de communautés incontrôlables de Vietnamiens)... Officiellement la pêche n'est ouverte que de mi-octobre à fin avril pour ceux qui la pratique de manière industrielle et artisanale. Seule la pêche familiale (petits filets, nasses) est autorisée toute l'année. Pour nous, la soirée se déroule tranquillement, alors qu'un soleil rouge vient s'écraser sur la rive Ouest de la rivière.   

Le lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé SapLe lac Tonlé Sap

Haut de page

En relation avec cet article

- ça serait dommage de passer à côté... -