Bolivie : des tropiques à l'Altiplano
Carnets de voyages - Amériques - Bolivie - 25.09.2013
Encore des locos rouillées ce matin, mais pas deux ni trois, une bonne cinquantaine, sagement alignées sur leur voie en plein désert, prêtes à faire tourner leurs bielles au premier coup de sifflet d'un chef de gare qu'elles attendent depuis bientôt 80 ans. Dans un siècle, les touristes chinois et éthiopiens viendront-ils photographier nos glorieux TGV, TER, trains corail et autres michelines échoués dans un terrain vague de Seine-et-Marne ? Des demoiselles font de la balançoire entre deux motrices, tandis que leurs fiancés réalisent que sauter d'un wagon à l'autre est une activité plus compliquée que dans les westerns. Entre les rails, découverte surprenante de blocs de corail, émouvants vestiges
de madréporaires égarés au milieu du continent sud-américain Les Andes ont hissé jusqu'au ciel les profondeurs de la mer. Et l'on retrouve dans les montagnes qui ferment l'horizon le mouvement des vagues pétrifiées et le silence des fonds marins. Sur l'immensité du plateau chauffée à blanc, les rares reliefs se mirent avec complaisance dans la surface de lacs trompeurs, grossières impostures d'un soleil roublard. Le cou fin d'une vigogne, au visage de lama prépubère, fait comme un point d'exclamation sur l'horizon, seul élément vertical - hormis quelques pylônes- dans ces paysages étirés à l'extrême, tendus comme des peaux de tambours. Dans les marais de Villa Alota, les lamas jouent aux flamants roses, pataugent dans la boue grasse et tendent leurs babines avides en direction de petites pousses vertes cachées sous la surface. Un couple d'oies se joint de bon coeur à ce barbotage gastronomique survolé par d'inattendues mouettes tridactyles aussi improbables sur ces hauts-plateaux que les morceaux de corail trouvés dans la matinée. Sans doute ont-elles oublié que la Bolivie est un pays séquestré, privé de littoral et qui regarde le Pacifique avec une langue pendante. Il n'en a pas toujours été ainsi. Cette incarcération est la conséquence d'une guerre perdue - encore une, décidément à l'école de guerre, la Bolivie était au fond de la classe près du radiateur. En 1884, à l'issue d'une campagne de 5 ans, les insatiables Chiliens poussés dans le dos par la Perfide Albion mettent la main sur toute la province de Litoral. La Bolivie perd 125 000 km² de territoire et son unique accès à la mer. Cette guerre du Pacifique également appelée guerre du salpêtre ou du nitrate - pour les deux matières convoitées par les Chiliens et leurs amis anglais - est restée en travers du gosier des Boliviens. Le Chili et la Bolivie ont officiellement rompu leurs relations diplomatiques depuis 1963. Le " retour à la mer ", indémodable et récurrente revendication nationale, a été récupéré par le camarade Evo qui en mars dernier a entamé une action contre le Chili devant la Cour internationale de justice de La Haye pour récupérer l'accès à l'océan Pacifique. Vallée de "Las Rocas"
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