Bolivie : des tropiques à l'Altiplano
Carnets de voyages - Amériques - Bolivie - 25.09.2013
Nous voici au mitant du voyage, dans le coeur du gigot. Le Sud Lipez déroule ses étendues rognées jusqu'à l'os sous une coupole d'un bleu parfait, un bleu comme en peignent les enfants sur leurs dessins d'école. On a du mal à imaginer qu'il puisse faire mauvais quelque part sur Terre. Le bleu dans lequel nous baignons doit sûrement s'étendre à l'autre hémisphère. Bleu de printemps de ce côté-ci, bleu d'automne là-bas chez nous. Le Chili n'est plus bien loin, l'Argentine non plus. Une eau venue d'on sait où, vient s'accumuler en brouets saumâtres dans l'intimité de la cordillère occidentale. La région compte une bonne soixantaine de lagunes. Un bon petit chimiste devrait retrouver une bonne moitié de la table de Mendeleïev dans ces soupes indigestes : arsenic, potassium, borax, magnésium et autres gâteries minérales. Les flamants, qui de loin font comme des radeaux d'écume rose à la dérive au milieu de banquises blanches, y trouvent leur pitance, une algue microscopique dénommée Dunaliella salina, riche en carotène qui leur donne leur teint de jeune fille. La famille des flamants boliviens compte trois membres éminents qu'une bonne paire de jumelles permet de distinguer : le flamant des Andes, bec jaune et noir et pattes jaunes - c'est le plus grand - le flamant du Chili qui s'invite dans la région sans passeport, bec blanc à bout noir et pattes grises, et le dernier, endémique, pur produit du cru, le très stylé flamant de James, bec rouge et noir et pattes rouge foncé. Cet élégant volatile à la démarche de Lord anglais, lit le Financial Times tous les matins et s'allume un gros cigare après sa tasse de thé, ce qui a fini par lui noircir le bout des ailes. Des escadrilles entières arpentent à grandes enjambées la Laguna Colorada qui ce matin, en l'absence de vent, affiche encore un teint un peu pâlichon. Pas la moindre bise ne vient flétrir le miroir de la surface. Les montagnes alentour viennent s'y contempler pour se refaire une beauté. Une scène tirée de l'enfance du monde, spectacle unique où tout n'est qu'harmonie, calme et beauté. C'est à ce moment précis que Maryvonne a déboulé. Il n'y a rien qu'un touriste ne déteste tant qu'un autre touriste. Touristus touristi lupus est. Le touriste est un loup pour le touriste. Le comble de l'épouvante pour un touriste français est un autre touriste français. Il est en effet décevant de faire autant de kilomètres pour retrouver sa charcutière ou son professeur de solfège en godillots et polaire quechua. Mais généralement, les gens civilisés font des efforts, prennent sur eux pour ne pas se sauter à la gorge et les groupes finissent par se croiser en bonne intelligence. Mais il y a des limites. Après une demi-heure d'approche prudente et organisée, alors même que nous allions toucher à la béatitude suprême en approchant au plus près les paisibles flamants tout affairés à leur filtration algale, un commando d'énergumènes surgit d'un 4x4 et file vers le rivage emmené au pas de course par une harpie permanentée brandissant son Canon bas de gamme comme si elle montait à l'assaut d'une batterie allemande sur la plage d'Omaha Beach. Le résultat ne se fait pas attendre. Effarés par la charge sauvage, les volatiles redressent leur cou en point d'interrogation et sonnent illico la retraite vers le milieu du lac. Il s'en est fallu de peu pour que la mégère, qui continuait d'avancer malgré le désastre avéré, ne pique une tête et ne les rejoignent à la nage. Un ours entré dans un salon aurait fait moins de dégâts. Alors Maryvonne je te dis stop. Il suffit. Maryvonne - je crois que c'est ton nom car j'ai cru entendre tes amis, s'il est possible que tu puisses en avoir, t'appeler ainsi - chère Maryvonne, je te hais, je t'exècre. Ce n'est pas tant ton QI de palourde qui est la cause première de mon courroux. Au moins la palourde sait-elle se tenir et rester tranquille. Non, cet épisode est le reflet de ta vie égoïste et stérile que le hasard ou le destin n'ont pas pris la peine de féconder. Maryvonne, je t'en veux parce que tu charges la Terre d'un poids inutile. Je sais que tu me lis en ce moment même, alors sache que je te retrouverai Maryvonne, je te traquerai, dusse-je faire comme Poutine avec les Tchétchènes et aller te chercher jusqu'au fond des chiottes, un jour, je te débusquerai dans ton bouge et, revêtu de mon costume de grand flamant des Andes, je viendrai te tirer du lit par les pieds avant de te gober les yeux de mon bec courbe et vengeur. Fini la photo Maryvonne. Tu pourras toujours écouter les Grosses Têtes sur RTL et manger des Pépitos au chocolat - à moins que je ne décide également de te briser les dents, j'aviserai sur le moment - mais tu ne ruineras plus jamais de moments précieux par ta balourdise. Ô puissant esprit du grand flamant ! Investis moi de tes terribles pouvoirs et laisse moi libérer en ton nom le feu destructeur de ta vengeance ! A très bientôt Maryvonne. Montée à une altitude supérieure à 5000 mètresLicancabur, laguna Verde et InukSur la rive nord de la laguna ColoradaLe célèbre "arbre à pierres"
En relation avec cet article
- ça serait dommage de passer à côté... -
- Tous nos circuits -
- À découvrir dans le mag' -
- Nos départs garantis -
- La Bolivie en vidéo -