Voyage au Ladakh
Carnets de voyages - Asie Pacifique - Inde - 29.08.2013
Un bon voyageur ne doit pas se produire, s'affirmer, s'expliquer, mais se taire, écouter et comprendre.
Paul Morand, qui savait de quoi il parlait à propos de voyages, a mille fois raison, c'est sûr. Mais du coup, peut-on voyager en groupe ? Peut-on se taire à plusieurs, écouter en réunion, comprendre en bande organisée ? Voyager seul, ou à deux, le nez au vent, armé d'un Guide vert ou d'un Lonely planet, c'est conjuguer l'aventure et la découverte. L'une se confond avec l'autre. Partir en groupe, c'est disjoindre les deux. La découverte est balisée, prédigérée : jour 1, jour 2, jour 3... L'imprévu en est banni, autant qu'il est possible. L'aventure n'est plus dans la découverte, elle se réfugie dans le groupe. Les compagnons de voyage, qu'on n'a pas choisis, qu'on découvre, un peu circonspect, au comptoir d'enregistrement, ce sont eux qui vont colorer le périple, le rendre léger ou grave, pénible ou délicieux. Les premières heures on se jauge, contents d'avoir échappé au Séraphin Lampion de service, celui qui vous donne envie de rentrer à la maison avant que l'avion ait décollé. Puis quelqu'un sort du bois, ose une vanne, se dévoile un peu. On saisit la perche, les échanges s'engagent, les sympathies se nouent. Que le périple soit un peu aventureux et la glace fondra plus vite : l'Airbus qui nous a conduits ce matin de Delhi à Leh semble parfois sur le point de racler les parois de la montagne : un aéroport à 3 600 m d'altitude, forcément, ne se conquiert pas facilement...
Du coup, nous partons à la découverte de Leh avec l'impression de nous connaître déjà un peu, unis de surcroit par les grincement des organismes qui se rebellent, propulsés sans préavis à des altitudes auxquelles ils ne sont pas accoutumés. Alors sur les conseils de Christian Juni, le co-fondateur de Tirawa qui accompagne le groupe, on avance à pas de sénateurs, on respire lentement, un pas sur l'inspiration, un pas sur l'expiration. On boit. Mais quand même : la tête est lourde, le rythme cardiaque accéléré, le souffle court. Dans deux jours, nos organismes auront produit assez de globules rouges pour trouver leur ration dans l'oxygène raréfié de l'Himalaya.
En attendant, c'est un groupe de quasi-cacochymes, heureusement portés sur l'autodérision, qui arpente Leh. La ville porte les stigmates de l'inondation qui l'a détruite il y a trois ans. Partout, on porte des briques, des sacs de ciment, partout on manie la pioche et la truelle. Au Palais de Leh, forteresse dressée sur les hauteurs de la ville qui abrita jusqu'en 1834 les rois du Ladakh, deux femmes montent sur leur dos des jerrycans d'eau pour le mortier : la restauration du Palais est toujours en cours. Des terrasses du Palais, on domine la vieille ville et au-delà, les sommets enneigés couronnés de nuages qui culminent à plus de 6 000 m. En redescendant on s'échange les observations, on les enrichit. Voyageant seul, aurait-on repéré le quartier des boulangers, qui cuisent le pain dans des fours creusés dans le sol ? Peut-être, peut-être pas. Celui qui voyage seul n'est accompagné que par sa chance...
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