Voyage au Ladakh
Carnets de voyages - Asie Pacifique - Inde - 29.08.2013
Vous avez remarqué ? Il suffit à une ville que quatre caniveaux s'y croisent pour qu'elle soit aussitôt affublée du titre de "Venise de ceci ou de cela". C'est fou, l'imagination dont font preuve, parfois, les "créatifs" des Offices du tourisme. Srinagar n'échappe pas à cette malédiction. Bienvenue, donc, dans "la Venise indienne", son lac, ses canaux, ses échoppes sur l'eau, son marché flottant, ses poules d'eau, ses aigrettes, et ses shikaras, ces drôles de barques effilées qui, par une nuit sans lune, pourraient en effet être prises pour des gondoles. Sauf que les "ragazzi" qui les propulsent n'actionnent pas une grande gaffe de bois, mais une unique rame. Pour le reste, difficile de trouver quelque parenté entre la piazza San Marco et les étendues de lentilles d'eau, de nénuphars encore en fleurs, ou de lotus à la floraison déjà éteinte que fend l'étrave des shikaras... Ce ne sont pas des palais de la Renaissance que desservent les shikaras, mais des "house-boats" alignés comme des immeubles dans des rues bourgeoises. Ces magnifiques bâtiments, capables de flotter mais pas de naviguer, sont un héritage de la présence anglaise. C'est qu'à l'arrivée des troupes de Sa Majesté, le Maharajah du Cachemire décréta que les étrangers ne pourraient pas détenir de propriété foncière sur son territoire. Où loger, dès lors, les sujets de la couronne ? L'un d'entre eux eut l'idée de se construire une cabine sur une barque. Un autre améliora le système en adjoignant quelques commodités à la cabine... et Srinagar fut bientôt dotée de somptueux immeubles flottants, dotés de tout le confort requis pour l'hébergement d'un administrateur anglais en mission. Les cèdres, abondants au Cachemire, fournirent le bois nécessaire à cette construction navale particulière, les noyers de la région finirent en mobilier art-déco. En 1947, les Anglais sont partis, les house-boats sont restés. Ils font aujourd'hui le bonheur des touristes indiens qui fuient, l'été, la canicule de Delhi ou de Bombay, ou des visiteurs étrangers dont nous faisons partie, rares toutefois en raison de l'instabilité du Cachemire. Si les berges du lac, parsemées d'hôtels et de boutiques pour touristes, lui donnent un air de cité balnéaire, les casemates, sacs de sable, barbelés et soldats en armes plantés tous les 100 mètres, rappellent que, pour qualifier Srinagar de "Sérénissime de l'Inde", il faut avoir soit un max d'imagination, soit quelque substance hallucinogène de bonne facture ! Même constat au centre-ville : des camions de police grillagés sont positionnés à tous les carrefours, à tous les ronds-points. Des robocop casqués comme des joueurs de foot américain montent la garde. Dans cette ville musulmane, partagée entre une majorité sunnite et une forte minorité chiite, les autorités craignent à l'évidence la moindre étincelle. En mars dernier, une attaque à la grenade contre un poste de police, revendiquée par un groupe islamiste, a fait cinq morts. Personne n'a oublié les attentats de 2001 contre l'aéroport et le parlement de Srinagar, qui firent là encore des dizaines de morts. Plus de soixante ans après l'Indépendance, le Cachemire, qui a fourni à l'Inde son premier chef d'Etat, Jawaharlal Nehru, et toute la dynastie qui lui a succédé (Indira Gandhi et sa parentèle), peine à trouver la sérénité au sein de la Fédération indienne.
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