Horizon : Le Mag' de Tirawa

Le Mag' de Tirawa : Carnet de voyage - Voyage au Ladakh

Voyage au Ladakh

Carnet de voyage rédigé par Jean-Jacques Fresko et Christian Juni

Voyage au Ladakh

- Voyage au Ladakh -

Inde, Asie Pacifique

13 septembre-3Massif du Nun-Kun

Un bout du monde battu par les vents glaciaux. Un grand plateau pelé,  perché à 4 000 mètres au bout de la vallée de la Suru. Sur son petit promontoire élevé d'à peine une trentaine de mètres, le monastère de Rangdum fait figure de vigie, de clocher du plat pays... même si les sommets qui barrent l'horizon dépassent tous les 6 000 mètres, voire, pour le Nun et le Kun, les 7 000. Les plissements de la roche dessinent des formes un peu hallucinées, un peu psychédéliques. Au large, sur le plateau, un étrange convoi : un maquignon conduit à quelque foire son fonds de commerce d'une vingtaine de vaches. D'où vient-il ? Où va-t-il ? Nous n'en saurons rien. Qui sont ces blancs-becs qui le regardent passer ? Il s'en fout probablement : il avance, au rythme lent du troupeau. Pour la bande-son, les hurlements du vent sont troués par les braiements des quelques ânes qui paissent vaillamment l'herbe rase. Des moines et des assistants portent à dos d'homme de lourds sacs de jute chargés de bouse séchée, qu'ils rentrent dans une souillarde : la provision de combustible pour l'hiver. Dès que les premières neiges seront là, les pistes qui conduisent ici seront impraticables. Le bout du monde sera coupé du monde. 13 septembre-1Remontée de la vallée de la Suru

 

13 septembre-7Difficulté sur la piste

13 septembre-5En pays bouddhisteQui vit ici, hormis la vingtaine de moines ? Les militaires de l'inévitable check-point, pardi ! Le morceau de Ladakh que nous avons traversé pour arriver ici n'est pas bouddhiste. C'est une terre d'Islam. Pas un stupa, pas un monastère, mais des mosquées dans tous les villages, et aux arrêts, la voie entêtante du muezzin. Il est vrai que nous sommes vendredi. Pas de photo du Dalaï-Lama, mais des effigies de l'ayatollah Khomeiny : les musulmans d'ici sont des chiites. Au matin, les filles qui attendent en chahutant le bus scolaire portent un voile, même les plus petites. Mais elles portent aussi, comme les garçons, l'uniforme de leur école ou de leur collège : il fut en temps où l'Inde était anglaise, n'est-il pas ? Du moins, c'est ce que croyaient les Anglais... Dans les écoles publiques, les élèves musulmans sont dispensés de cours le vendredi après-midi, pour pouvoir participer à la prière. Les autres ont cours normalement. 13 septembre-6Vallée de RangdumPour pénétrer dans le district de Kargil, chef-lieu de ce territoire musulman, nous avons dû hier soir dire adieu aux trois chauffeurs qui nous accompagnaient depuis le début de notre périple, et en découvrir ce matin trois nouveaux. Tout aussi sympas, tout aussi empressés, tout aussi virtuoses sur ces pistes improbables. Mais musulmans. La loi affecte à chacun un territoire, et une part de la manne touristique. Les panneaux indicateurs, au bord des pistes, nous déroutent. Ils ne sont plus écrits en hindi, mais en urdu. Ce qui pour nous change tout, bien évidemment. Mais c'est la langue qu'utilisent les voisins pakistanais, musulmans eux aussi. Ce constat nous conduit à une nouvelle tentative, la dernière sans doute, pour décoder le système des langues au Ladakh (et plus largement en Inde), que Motup s'échine à nous expliquer, hilare devant notre perplexité grandissante. Donc : au Ladakh, on parle le ladakhi. Mais on ne l'écrit pas. C'est une langue orale, proche du tibétain. Alors en cas de nécessité absolue on emprunte l'alphabet tibétain pour transcrire le ladakhi. Mais quand on écrit, c'est en hindi, une langue qui n'a rien à voir avec le ladakhi. Enfin, pas toujours : parfois, on vient de le voir, on écrit en urdu. Ou en kashmiri. Autant d'alphabets qui n'ont strictement rien à voir avec l'alphabet hindi. Vous suivez ? En bons jacobins, nous tentons la question ultime : l'instituteur, il enseigne en quelle langue ? Réponse : eh bien, ça dépend... Laissons tomber. Par bonheur, dans sa grande miséricorde, Mother India traduit tous ses panneaux officiels en anglais... Les historiens expliquent d'ailleurs que c'est la pratique de l'anglais, ultra-minoritaire mais dispersée dans tout le sous-continent, qui a permis aux Indiens en 1947 de s'unir pour bouter l'Anglois hors de leur territoire. Plus de soixante ans plus tard, c'est encore en anglais qu'un ladakhi et un tamoul peuvent espérer communiquer...

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