Horizon : Le Mag' de Tirawa

Le Mag' de Tirawa : Carnet de voyage - Voyage au Ladakh

Voyage au Ladakh

Carnet de voyage rédigé par Jean-Jacques Fresko et Christian Juni

Voyage au Ladakh

- Voyage au Ladakh -

Inde, Asie Pacifique

11 septembre-13Il faut avoir vu les temples du monastère d'Alchi pour mesurer l'apport de l'iconographie bouddhiste au patrimoine culturel mondial, dès le XIème siècle. L'un d'eux, le temple aux mille bouddhas, est particulièrement bouleversant. On y accède par une porte très basse, 1,40 m peut-être, creusée dans un mur épais. Bref, il faut avancer cassé en deux pour y pénétrer. Pourquoi ce choix des bâtisseurs du temple ? Deux hypothèses s'affrontent. Pour les uns, il s'agît d'obliger le fidèle à se prosterner devant la statue du bouddha qui l'attend à l'intérieur. Pour les autres, plus prosaïquement, l'idée était de protéger le temple du froid et des intempéries. Après tout, les deux ne sont pas incompatibles... Quoi qu'il en soit, une fois à l'intérieur, on est saisi par la finesse et l'élégance des fresques qui ornent, du sol au plafond, les murs de ce tout petit temple. Mille carrés, d'une quinzaine de centimètres, encadrent mille représentations du Bouddha, toutes différentes. Chacune de ces miniatures raconte une histoire complète, dans un style graphique éblouissant de raffinement et de clarté. Mais voilà : l'éclairage est chiche, dans le temple, et les fresques quasi millénaires ont subi les assauts du temps et de la suie des bougies d'offrande. Il faut appuyer le regard pour en distinguer le contenu.

 

Quand soudain, sur le quatrième pan de mur, surgissent un bouddha de la Compassion et quelques autres figures exécutées récemment -vraisemblablement sur un emplacement totalement délabré- aux couleurs vives, flashy, quasi-fluo. Certes, le trait est tout aussi fin que celui des vénérables fresques alentour, mais tout de même ! On s'indigne. On se révolte. Les vandales ! Comment ont-ils pu oser ? etc. Et puis... Restaurer, c'est remettre dans un état antérieur. Mais lequel ? Celui qu'ont voulu atteindre les auteurs des fresques ? L'ennui c'est qu'on ne sait rien de leurs intentions. On peut tout juste penser qu'ils n'ont pas voulu faire des fresques vieilles, suie des bougies comprises. Mais pouvons-nous tolérer que des fresques âgées de mille ans nous apparaissent pimpantes comme si elles dataient d'hier ? Est-il idiot à l'inverse de considérer que la patine du temps, les agressions de l'histoire... et la suie des bougies d'offrande, fassent aujourd'hui partie de l'oeuvre elle-même ? 11 septembre-14 Vaste question, et débat interminable, qui s'étend bien au-delà des fresques d'Alchi. Si la Joconde nous apparaissait telle que Vinci l'a livrée, la supporterions-nous ? Les façades des cathédrales, dont nous aimons l'altière austérité, les tolérerions-nous bigarrées de peintures multicolores, telles qu'elles étaient à l'origine ? De même, quand nous créons une réserve naturelle pour " préserver la nature ", quel état du territoire voulons-nous conserver ? Quand nous luttons contre une éolienne ou un centre commercial pour préserver un paysage de notre enfance, que sacralisons-nous : le paysage ou notre enfance ? A quel moment la conservation devient-elle du conservatisme ? Dans tous les cas, on poursuit la chimère éternelle d'abolir le temps. De lui enjoindre, comme le fit sans illusion Lamartine, de suspendre son vol. Finalement, dans leur efficace radicalité, les " vandales " restaurateurs d'Alchi sont sans doute dans le vrai... 11 septembre-10Peintures traditionnelles, Likir11 septembre-11Peintures traditionnelles, Likir11 septembre-4Arrivée au monastère de Basgo

 

11 septembre-5Le palais de Basgo11 septembre-1Confluence entre Indus et Zanskar river

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