Exploration dans la Péninsule Antarctique
Carnets de voyages - Amériques - Argentine - 01.01.2009
Ca secoue dans le passage du Drake !
Donc, au matin du lundi 22 mars, l'équipage est passablement lessivé (au propre et au figuré) après une nuit de bataille contre les éléments. Nous passons notre journée sous pilote automatique à guetter à tour de rôle les éventuels glaçons qui abimeraient à coup sûr la coque du Kotick.
Nuit du 22 au 23 mars : assez calme. Le Drake nous fait les yeux doux. Le soleil est même là le matin du 23, nous laissant la possibilité de prendre le petit déjeuner en terrasse (mais quand même à l'abri du rouf !). Dans l'après midi tout se rebouche et cela " brasse " pas mal dans le carré, rendant la position couchée particulièrement adaptée. Le capitaine consulte fréquemment les fichiers météo et les " gribs " car une grosse tempête est annoncée dans le nord du Drake.
Le 24 mars au matin, alors que le baromètre est remonté à fond les manettes (993 millibars), le ciel est bas et le vent s'est calmé. Contre toute attente (pour les néophytes non marins que nous sommes), et alors que la mer est plutôt tranquille, le capitaine décide de mettre le bateau à la cape, c'est-à-dire de réduire au maximum la grand voile (en prenant 3 ris) et de laisser le navire plus ou moins stationnaire. Résultat, nous ne voguons plus qu'à 2 noeuds, et la vie à bord redevient relativement calme. C'est un peu comme dans le Désert des Tartares de Buzzati, on attend un ennemi qui semble ne pas venir ! L'analyse des fichiers de vent (gribs) par le capitaine montre cependant que 50 milles plus au nord, la folie s'est emparée de la mer. Finalement vers 22 heures nous reprenons notre route...
Que dire de la nuit qui a suivi (du 24 au 25 mars) ... Rapidement nous nous sommes retrouvés dans le vortex ! La dépression avait encore quelques surprises pour nous. Cela a (comme on dit dans le 93) bastonné dur ! Vents en rafales jusqu'à 45 / 50 noeuds, mer démontée, creux immenses ... Pratiquement sans aucune voile dehors, le Kotick tape allégrement les 9 à 10 noeuds constants. A l'intérieur on compte les coups de boutoir des vagues contre la coque. Vouloir se déplacer dans le carré relève de l'inconscience. Lors des rares manoeuvres effectuées par Alain et Gilles on peut voir leurs visages se contracter un peu plus avant d'aller braver la tempête, on peut admirer leur manière de se mouvoir sur le pont (mi araignée, mi Gollum). Finalement vers 8 heures du matin en ce 25 mars, la tempête s'estompe et il faut même réveiller les 85 chevaux du moteur pour progresser. La courbe de la pression atmosphérique ressemble à celle des cours de bourse lors d'une grande crise. Quelques grains malicieux vont et viennent, faisant régulièrement replonger l'étrave du bateau dans le noir des flots. 18 heures : " Terre " annonce Christophe, la vigie de service. Une montagne grise, en forme de pain de sucre, pointe son nez au dessus de l'horizon : le Cap Horn. Le Drake, voyant que sa furie ne nous a pas englouti, décide alors, grand Seigneur, de nous offrir un magnifique coucher de soleil avec le bout de l'Amérique Latine comme ligne d'horizon. C'est la résurrection à bord. Marie résilie son abonnement avec la bassine bleue, Paulo retrouve le tire-bouchon pour immoler quelques bouteilles de blanc, Christophe coupe les saucissons en guise d'hosties. La messe est finalement célébrée sur le pont. Il est 21h30 lorsque nous passons entre les îles Deceit, marquant l'entrée dans la baie de Nassau. Cap sur l'île Lennox que nous pensons atteindre dans la nuit.
Paulo et Gilles à la manoeuvre
Pétrel géant
Albatros hurleur
Albatros hurleur
Ciel de Drake
Les habitants du Drake dans les cieux
Damier du Cap
Ambiances au cours de la traversée du Drake
Le mythique Cap Horn
Dernières vagues du Drake